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Actualité de Femmes lacaniennes

Ce titre [1] énigmatique qui pointe la pluralité des femmes s’éclaire dès le début du texte. Rose-Paule Vinciguerra [2] y déploie les deux points qui constitueront la ligne de force de son propos. La psychanalyse dès son origine a subverti les discours établis sur les femmes mais en retour son « abord de la question féminine […] a changé la psychanalyse [3]». Une mise en série d’articles diffracte les références à la féminité via la traversée des œuvres de Freud puis de Lacan qui a poursuivi l’extraction de la position féminine. L’adjectif « lacaniennes » dans le titre trouve ici sa justification.

Freud a donné une place aux femmes par la reconnaissance du symptôme et a clos son élaboration sur le Pénisneid et la question « Was will das Weib ? »

Lacan à sa suite laisse de côté l’image de l’organe, considère les versants imaginaire et symbolique du phallus, la fonction du manque avec la partition entre l’être et l’avoir. Au-delà de la relation entre hommes et femmes, c’est la relation de chacun des sexes au phallus qu’il élabore. Pas d’harmonie autre qu’imaginaire, « Chaque sexe n’aura de rapport qu’avec le signifiant phallique et pas avec le corps de l’autre. [4]» L’amour vient alors voiler l’impossible du rapport sexuel.

À partir du Séminaire XX, le tableau de la sexuation permet à chaque sujet de se ranger en regard de la fonction phallique. « Quand j’écris , cette fonction inédite où la négation porte sur le quanteur à lire pas-tout, ça veut dire que lorsqu’un être parlant quelconque se range sous la bannière des femmes c’est à partir de ceci qu’il se fonde de n’être pas-tout, à se placer dans la fonction phallique [5]». Ce pas-tout qui définit la femme ouvre sur la formule « La femme n’ex-siste pas ». Il n’y a pas d’universel de La femme. Il y a des femmes une par une. Lacan fait un pas de plus : « … d’être pas-toute, elle [la femme] a, par rapport à ce que désigne de jouissance la fonction phallique, une jouissance supplémentaire [6]». En appui sur la promotion par Lacan, de la jouissance et du réel, l’auteure met en tension position féminine et position de l’analyste à partir de la logique du pas-tout qui doit orienter ce dernier. Elle interroge leur affinité possible : « Être en position féminine en effet, c’est être en position d’offre-à-jouir […] c’est savoir jouer du semblant là où l’être manque, pour incarner un objet cause de désir. [ Pour l’analyste ] Faire semblant d’objet, c’est se mettre en position d’offre à jouir “dans le semblant” pour mieux situer la jouissance de l’analysant au regard de son désir [7]».

Avec le déclin de l’ordre symbolique, l’éthique de la psychanalyse et son efficace sont mis en jeu par le discours capitaliste qui ignore la castration avec l’injonction « Jouis ! ». La position féminine qui inclut le manque, comme la clinique analytique orientée par le réel, permettent des réponses pas-toutes au malaise contemporain. C’est toute l’actualité de Femmes lacaniennes.

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Références

Références
1 Vinciguerra R.-P., Femmes lacaniennes, Paris, Éditions Michèle, 2014.
2 Rose-Paule Vinciguerra est psychanalyste, membre de l’ECF et de l’AMP.
3 Vinciguerra R.-P., op. cit., p. 18.
4 Ibid., p. 31.
5 Lacan J., Le Séminaire, livre XX, Encore, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1975, p. 68.
6 Lacan J., op. cit., p. 68.
7 Vinciguerra R.-P., op. cit., p. 110.

Nadine Farge