J’ai vécu les trois premières semaines du confinement auprès d’une personne qui nécessitait une présence continue. Les premiers jours, je regardais le journal télévisé. Le récit de cette actualité lui a fait dire « c’est la fin du monde ! ». Pour ma part, ce qui m’a le plus affecté, c’est de me rendre compte de ma difficulté à percuter quant à ce réel qui pourtant s’annonçait depuis le début de l’année en provenance de Wuhan.
L’ennui : s’occuper, ne pas rester à rien faire, ne pas s’ennuyer, le surmoi en sourdine continue son activité, il n’est pas confiné… Très rapidement, je voyais dans ces journaux télévisés combien c’était une question qui revenait dans la succession des séquences. Il y a ceux qui avec un « rien » se créent un monde ludique, le temps passe sans que le sujet paraisse affecté par la pesanteur de ce temps arrêté. Pour d’autres pris dans des activités routinières, la question ne se pose peut-être pas. Les propositions arrivent vite pour occuper ceux et celles qui ne sauraient pas trouver avec l’appui de leur désir comment s’occuper pour parer à l’ennui que le sujet peut éprouver quotidiennement. Avec quelques euros, une solution toute prête, pour appareiller une défaillance du rapport au désir …
Dans le même moment, on parle de l’angoisse suscitée par la permanence de ce réel et, l’instant d’après, des reportages nous invitent à le recouvrir, partiellement. Il s’agit pour chacun de trouver des signifiants sur lesquels prendre appui avec un peu de satisfaction à la clé pour habiller le vide, le trou.
Déconnectés des signifiants qui nous soutiennent dans nos quotidiens, cela en fait d’autant plus apparaitre leur valeur : l’ancrage dans le signifiant est une véritable bouée permanente, ce par quoi le parlêtre tient. Cette situation me fait penser à ce qu’avait dit Jean-Robert Rabanel dans un colloque à propos des activités dans les institutions : « Il y a une noblesse des activités dites occupationnelles. Elles aident à border le trou de l’existence. »
Le confinement ne suspend pas le « ne cesse pas de ne pas s’écrire ». Le transfert de travail nous aspire dans la brèche ouverte du rapport à la cause. Je me rends compte que je n’ai pas vraiment éprouvé cet affect dans cette période. J’y vois un effet de la cure analytique. L’ennui interroge le rapport au désir dans son lien à l’angoisse. Dans ce moment où l’existence peut être remise en question du jour au lendemain, j’ai pu me rendre compte combien la psychanalyse est un bord solide pour faire face à l’angoisse …et à l’ennui.