Lors de la dernière soirée de l’atelier de lecture de l’antenne d’Aurillac « La famille dans tous ses états », le 28 juin 2023, j’ai souhaité témoigner de ma pratique d’assistante sociale et de son actualité à l’heure où guichet de l’accès aux droits et évaluation sociale sont de nouvelles modalités de rencontre en service social.
Cette évolution n’est pas sans en effet sur l’engagement de soi, tant du côté du professionnel que du sujet rencontré : l’engagement de soi se fait la malle, faisant la part belle à la plainte, à l’exigence et à la culpabilité.
Durant cette soirée, j’ai pris appui sur le livre Le malentendu de l’enfant [1] de Philippe Lacadée, pour ponctuer mon propos et introduire la discussion :
« La responsabilité allège le poids de la culpabilité [2]», cette phrase m’a apporté un nouvel éclairage sur ma pratique de plus en plus plombée et obscurcie par les injonctions d’évaluation, les protocoles et la gestion.
De nouveaux référentiels issus des théories des neurosciences envahissent petit à petit le champ social et ses formations. Si certains professionnels accueillent avec enthousiasme ces nouveaux « modes d’emploi », très vite, la désillusion apparait face aux malaises des familles et à la complexité des situations rencontrées. Sans repère et dans un certain sens déresponsabilisés, les professionnels comme les familles s’en remettent alors à une institution déboussolée.
Lors de la soirée, certains participants ont pu témoigner de la difficulté à faire entendre une autre voie sans se positionner dans un rapport de force stérile. Dans ce contexte, aller à la rencontre des sujets, au un par un, nécessite un pas de côté : non pas « faire fi » des protocoles mais plutôt « faire avec » en restaurant la subjectivité. P. Lacadée écrit : « Adopter sa responsabilité, c’est ouvrir un lieu où puisse se déposer un poids du réel et s’ouvrir un espace – celui du « desserrage des identifications » et du « savoir y faire » [3]».
Les échanges avec les participants ont permis de rendre compte de la rencontre et de ses effets dans cette pratique sociale dite d’évaluation.
Donner toute sa place à une pratique de l’écoute du sujet en se positionnant au plus près de sa parole, c’est desserrer l’étau de l’identification de l’assistante sociale évaluatrice – voire contrôlante – et donner une chance à la rencontre. P. Lacadée écrit qu’« Adopter sa responsabilité, c’est faire acte de présence pour ne pas oblitérer la dimension d’appel d’un parlêtre et lui permettre d’élaborer une demande dont il saura ou non se faire sujet. [4]»
Orienter ma pratique d’assistante de service social par la psychanalyse me permet de prendre une position éthique en « adoptant ma responsabilité », et peut-être d’ouvrir la voie, pour d’autres, à « adopter sa responsabilité ».