Álvaro Siza – Celui qui n’écrivait pas [1]
Moment exceptionnel ! Dominique Machabert [2] nous a fait partager sa rencontre avec Álvaro Siza, architecte inclassable, au parcours singulier ; il en a réuni certains textes et fait la traduction. C’est aussi un ouvrage parsemé de dessins de l’artiste.
Nous avons assisté à deux heures de conversation à bâtons rompus entre D. Machabert et les animateurs de cette après-midi, Valentine Dechambre et Luc Garcia [3]. Voici quelques bribes de cette présentation dont il est bien difficile, ici, d’en restituer la magie.
Avec ce recueil, D. Machabert ne voulait pas faire un livre sur l’architecture. Les textes choisis sont ceux qui l’ont touché par leur poésie.
C’était d’abord un lien très fort avec ce pays, le Portugal, explique-t-il.
Sa première rencontre avec Á. Siza, il y a quarante ans – et d’ailleurs avec l’architecture – « [il] la doit à un texte, Huit points [4], qui décida de la suite pour [lui]. […] Texte de celui qui n’écrivait pas. [Il] le saurait plus tard [5] ».
« Une rencontre, ça vous tombe dessus ». Il nous confie : Entre Lisbonne et Porto, je lui téléphone, il me reçoit et on a parlé pendant des heures : Siza répond toujours autre chose à la question. Il trouve toujours une occasion pour creuser. « Il a une présence, une ingénuité et une grande courtoisie intellectuelle ». La conversation avec lui n’a pas cessé depuis.
Á. Siza n’est pas orienté par une théorie. Il n’a pas de méthode ni de programme précis. « Il juge les théories trop statiques, écrites justement et par là définitives et inappropriées [6] ». Il peut se laisser surprendre par un paysage, un espace et avoir la capacité d’en restituer une forme et une fonction, de sorte que ses projets ne sont jamais étrangers à la situation. Il absorbe quelque chose de l’ambiance et des lieux – « c’est un ogre ».
« Est-ce que l’architecture n’est pas la langue de Siza ? » interroge L. Garcia.
On ne peut pas dire : « Ah ça, c’est du Siza ! ». À chaque fois, il invente quelque chose de singulier. C’est « la forme mentale par laquelle l’architecture passe ».
« Donc c’est une écriture », ponctue L. Garcia.
Au cours de cette conversation enlevée, un mot s’attrape au vol, « l’idée de l’accident ». V. Dechambre s’en saisit pour interpréter ce livre comme « une théorie de l’accident ».
Dans sa dimension incalculable, l’accident n’est-il pas un indice du réel ?
Nicole Oudjane
Références
| 1 | Álvaro Siza est artiste, architecte de l’École de Porto. De renommée internationale, il a reçu le prix Pritzker, équivalent du Nobel de l’architecture, en 1992. |
|---|---|
| 2 | Dominique Machabert est auteur, enseignant à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Clermont-Ferrand, ENSACF. |
| 3 | L’ACF en Massif central, en partenariat avec la librairie, Les Volcans, ont invité Dominique Machabert pour une Conférence-dédicace à l’Océania de Clermont Ferrand, le 14 mars 2025. |
| 4 | Siza Á., « Huit points », Álvaro Siza – Celui qui n’écrivait pas, op. cit., p. 43-47. |
| 5 | Machabert D., « Huit points au hasard », Álvaro Siza – Celui qui n’écrivait pas, op. cit., p. 18. |
| 6 | Ibid., p. 16. |






