« Qu’en est-il de l’autonomie ? »

© Aurélie Boissinot

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C’est à partir de ce thème que la 51e journée inter-hôpitaux s’est déroulée à Moulins, le 17 mars 2025 [1]. Les intervenants présents, chacun dans son style et sur la base de ses expériences, ont transmis et déplié ce que questionne la promotion de l’autonomie.

Un programme au singulier
Ce principe d’autonomie est revendiqué comme un droit à l’autodétermination qui « permet à chaque individu de construire sa vie et de prendre ses propres décisions en fonction de ses valeurs, ses préférences et ses choix sans emprise et sans interférence externe [2] ». Marie-Cécile Marty en déplie les enjeux : « D’un côté, pour le citoyen de droit, être autonome ouvre à des possibles compensations en cas de difficultés. De l’autre, pour la philosophie morale la psychoéducation contemporaine, être autonome, c’est devenir un individu responsable et heureux [3] » !
L’autonomie serait ainsi le but suprême de l’évolution individuelle, une fin en soi, une forme d’achèvement de l’individu civilisé, dans le champ du social. Elle est devenue un critère du succès pour le patient devenu « l’usager », Graal à conquérir ou bien à maintenir, gratification attendue par les professionnels.
C’est aussi un devoir d’être autonome : être maîtres de nos vies, de notre destinée, être acteurs pleinement conscients de nos projets de vie ! Cette « injonction à l’autonomie » s’impose très tôt tel le titre du livre récemment paru,« Mon bébé autonome [4] » le laisse entendre. Ce n’est pas sans provoquer un malaise tant institutionnel que du côté des sujets.
Ce projet est à remettre sans cesse sur le métier puisque ça rate.

Entendre le sujet
« La volonté seule ne rend pas compte de la complexité de l’être parlant qui n’est pas l’individu [5]. ». Quand Freud fait l’hypothèse de processus psychiques inconscients, il indique que « le moi n’est pas maître dans sa propre maison [6]. » 
Cela devient alors une entreprise et une voie bien périlleuse que d’avoir pour projet de vie, l’autonomie. Comment « discerner [7] » et non pas évaluer pour chacun des sujets accompagnés, ce qui est possible ?

Pas d’autonomie sans lien !
Il n’y a pas d’autonomie sans relation de transfert. Il s’agit d’entendre la parole qui est adressée : « C’est à cette condition qu’il est possible de prendre en compte la singularité du sujet dans ce collectif idéal du tous pareils, tous autonomes [8]. »

Qu’en est-il de l’autonomie ? C’est une question d’actualité qui invite à rester sensible à ce qui s’écrit, se dit et s’entend – à l’accueil et aux paroles des sujets accompagnés.

Isabelle Caillault

Références

Références
1 La 51e journée inter-hôpitaux a eu lieu le 17 mars 2025, à Moulins, dans les locaux de l’IRFSSA Croix-Rouge Compétence, sous l’égide de l’Association des Équipes Soignantes Psychiatriques d’Auvergne. Sont intervenus à cette journée Marie-Cécile Marty, psychanalyste, membre de l’ECF et de l’AMP, Julien Handous, enseignant en Activité Physique Adapté au Centre Hospitalier Moulins-Yzeure, Claudine Valette Damase, psychanalyste, membre de l’ECF et de l’AMP.
2 Cf. le document : « L’accompagnement au développement de l’autodétermination et du pouvoir d’agir des personnes en ESMS » – Etablissement en Service Social ou Médico-social. Recommandation de bonnes pratiques de la Haute Autorité de Santé, le 12 Juillet 2022. https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2025-03/autodetermination_nc.pdf
3 Marty M.-C., « L’autonomie en question… entre aléas et caprices ».
4 Bertrel M., Mon bébé autonome, Paris, Courrier Du Livre, 2024.
5 Valette-Damase C., « Suivre le signifiant,autonomie… ».
6 Freud S., « Une difficulté de la psychanalyse », Essais de psychanalyse appliquée, Paris, Gallimard, coll. idées, 1971, p. 146.
7 Marty M.-C., « L’autonomie en question… entre aléas et caprices »
8 Ibid.

Isabelle Caillault