Extrait du Séminaire XV L’Acte psychanalytique

Télécharger l’article en pdf

Ce passage du Séminaire de Jacques Lacan, L’Acte psychanalytique, est un extrait de la partie, « Explorations logiques », chapitre XIII, « Le statut du psychanalyste», intitulé ainsi par Jacques-Alain Miller qui a établi le texte du Séminaire.

Cette partie sera présentée lors de la soirée d’étude du 14 avril 2025, sous la responsabilité de Jean-Robert Rabanel.

« Il n’y a pas de psychanalysé, il y a un ayant été psychanalysant, d’où ne résulte qu’un sujet averti de ce à quoi il ne saurait penser comme constituant de toute action sienne.

Pour concevoir ce qu’il doit en être de ce sujet averti, nous n’avons aucun type encore existant. Il n’est jugeable qu’au regard d’un acte qui est à construire comme celui où, se réitérant la castration, il s’instaure comme passage à l’acte, de même que son complémentaire, la tâche psychanalytique elle-même, se réitère en s’annulant comme sublimation.

Mais ceci ne nous dit rien du statut du psychanalyste. Si son essence est d’assumer la place où, dans cette opération, se situe l’objet a – quel est le statut possible d’un sujet qui se met dans cette position ? Le psychanalyste peut n’avoir pas la moindre idée de tout ce que je viens de développer sur ce qui conditionne cette position – pas la moindre idée de la science par exemple. C’est même courant. À la vérité, il ne lui est même pas demandé de l’avoir, vu le champ qu’il occupe et la fonction qu’il a à y remplir. En revanche, du support de logique dont la science se soutient, il aurait beaucoup à apprendre.

J’ai fait référence à son propos à des statuts, quels qu’ils soient, de praticien, tels qu’ils sont évoqués depuis l’Antiquité dans la réflexion sur la science, mais aussi bien tels qu’ils sont encore présents dans un certain nombre de champs. Est-il exclu que, dans aucun de ces statuts, soit de quelque valeur, de quelque ressort, ce qui est défini, à la lumière de la psychanalyse, et de la psychanalyse seulement, comme l’objet a ? que telle fonction pratique met en valeur la présence évidente de l’objet a ?

Pourquoi, à la fin de l’année sur les problèmes cruciaux pour la psychanalyse, ai-je fait tellement état ici de la fonction de la perspective ? On aurait tort de croire que ce soit la théorie d’une opération qui n’intéresse que l’architecte. Ne l’eût-il pas isolée lui- même depuis toujours, une autre fonction y est présente. Nous ne savons plus trop comment justifier l’idéal qui dirigeait un Vitruve, par exemple, dans ce qui nous est légué de ces grammatismes, mais, vu la présence de ces idéaux, nous aurions tort de réduire ce dont il s’agit à une fonction utilitaire, de bâtisse par exemple. Ce qui y domine au contraire, c’est une référence que j’ai essayé de vous expliquer dans sa relation avec l’effet de sujet, au moment où la perspective vient dans sa structure propre au niveau de Desargues, c’est-à-dire où elle instaure cette autre définition de l’espace qui s’appelle la géométrie projective.

Cette mise en question de ce qui est le domaine même de la vision, il pourrait sembler au premier abord qu’elle puisse être entièrement supportée par une opération de quadrillage, alors qu’y apparaît au contraire cette structure fermée à partir de laquelle j’ai pu essayer d’isoler et de définir, entre tous les autres, et parce qu’il est le plus négligé de la fonction psychanalytique, la fonction de l’objet a qui s’appelle le regard.

Est-ce pour rien qu’au terme de cette même année, je vous ai fait un exposé autour du tableau des Ménines ? Exposé sans doute difficile, mais qu’il faut prendre comme apologue, et comme exemple, et comme repère de conduite pour le psychanalyste. Alors que l’illusion du sujet supposé savoir est toujours fort aisément admise dans tout ce qui concerne le champ de la vision, il en va tout autrement dans cette œuvre exemplaire ^[1]. »