Écho de la journée de l’antenne d’Aurillac du samedi 28 juin 2025

© Aurélie Boissinot

Télécharger l’article en pdf

Inviter un écrivain est toujours source de savoir sur l’acte d’écrire. C’était l’objectif de l’antenne en recevant Andréas Becker écrivain et Philippe Bouret psychanalyste membre de l’ECF et de l’AMP accompagnés de Denis Rebière membre de l’ACF en MC, pour une conférence dialoguée intitulée « L’acte de scrire » – scrire, drôle de signifiant que nous avons interrogé.

Notre partenariat avec la librairie Point-Virgule nous a aussi permis de prolonger ce moment lors d’une après-midi d’échanges avec un public clairsemé mais particulièrement attentif.

Quel étonnement lors de la préparation de cette rencontre à lire les romans de cet auteur ! Pour Andréas Becker, l’écrivain risque sa vie en écrivant : « J’écrisse jusqu’à devenusser criasse, larme et pleur » énonce-t-il dans un de ses livres[1], ne se contentant pas seulement du meurtre des choses par les mots mais aussi des mots eux-mêmes qui les nomment.

« L’écriture se fait pendant l’écriture, ni avant, ni après.[2] » Cependant, il dit aussi qu’il y a avant l’écriture quelque chose déjà écrit que l’écrivain se doit de découvrir. Une contradiction qui révèle la difficulté à saisir le sujet de l’écriture. Le seul sujet de l’écriture serait l’écriture elle-même. Dire qui résonne avec celui d’une écrivaine que nous avons évoqué, Margueritte Duras : « Le seul sujet du livre, c’est l’écriture. L’écriture, c’est moi. Donc moi, c’est le livre.[3] »

D’une incroyable exigence dans l’utilisation de la langue française devenue « naturelle » pour lui, Andréas Becker né en Allemagne nous conduit à réinterroger les lois du langage. La force de son désir pour transgresser, déformer les mots à un point inégalé – si ce n’est chez James Joyce – malmène le lecteur et l’amène à penser que la structure du langage ne suffit pas à rendre compte du réel. « Tuer le signifiant, c’est aller plus loin[4] », vers un réel précédé par un imaginaire qui l’entoure. « C’est le mot qui crée le réel. […] Ce sont les mots qui créent l’écriture et qui créent l’écrivain.[5] » A. Becker mène la vie dure au lecteur avec ses romans, mais c’est un vrai plaisir que de les lire.

Dominique Legrand

Références

Références
1 Becker A., L’effrayable, Éditions d’en bas, 2018, p. 10.
2 Becker A. et Bouret P., Je suis redevenu celui que je n’avais jamais été, Essai, Éditions Douro, 2024, p. 63.
3 Duras M., Libération, 13 novembre 1984.
4 Becker A. et Bouret P., Je suis redevenu celui que je n’avais jamais été, op. cit.,p. 122.
5 Becker A. et Bouret P., Je suis redevenu celui que je n’avais jamais été, op. cit.,p. 356.

Dominique Legrand