« Des trous, des p’tits trous, toujours des p’tits trous… »
Trouer le savoir, trouer l’Autre, trouer l’institution, telle « la fameuse vieille taupe, qui creuse dans l’ombre [1] », comme l’indique Jacques-Alain Miller, c’est ce dont témoignent les travaux présentés par les cartellisant(e)s lors de cet après-midi des cartels, riche dans sa diversité clinique et dense sur le plan théorique.
Trois cartels, six présentations, la présence des plus-un et le plaisir de converser avec Jean-Pierre Rouillon, délégué aux cartels de l’ECF pour l’ACF en MC : en préambule, il nous rappelle le travail de civilisation auquel contribue le psychanalyste dans sa confrontation avec l’impossible au-delà de l’impuissance. L’impossible, comme construction logique c’est, dit-il, « ce qui n’est pas écrit à l’avance », le savoir se construisant à partir de ce qu’amènent les sujets que nous rencontrons.
Quelques mots sur les travaux des cartellisants, au un par un :
Christelle Flatot,sous le titre :« Chemin vers la subversion », questionne l’autonomie imposée comme nouvel idéal, en lien avec sa pratique en consultations pour enfants et adultes. Elle témoigne de la façon dont le psychologue tente de se décaler de cet idéal pour laisser place à une écoute subversive.
Aurélie Soularue, sous le titre :« Du maternant au maltraitant », pointe les conséquences pour certains sujets de l’inclusion à tout prix, lorsque le recours au refuge de l’institution n’est plus possible. Comment maintenir pour ces sujets un lien suffisant, via le transfert, pour éviter un laisser-tomber, c’est là un enjeu essentiel.
Carine Peytavit,sous le titre :« L’institution psychiatrique en Corrèze », fait un travail d’historisation de l’institution dans laquelle elle exerce comme psychologue depuis de nombreuses années. Cette historisation, articulée aux évolutions récentes de l’institution, désormais rangée sous le signifiant de « santé mentale », nous montre comment « lieu et lien » sont liés dans la rencontre avec les sujets accueillis, et comment le psychologue « se rend disponible » pour reprendre les mots de J.-P. Rouillon.
Denis Rebière, sous le titre :« Le temps institutionnel à l’épreuve des tempêtes », s’est attaché à mettre en tension, temps institutionnel et temps psychique, à partir notamment de l’aphorisme des trois prisonniers, des trois temps de la cure théorisés par Lacan. Le temps psychique, appréhendé comme temps logique, n’est pas celui des horloges de l’hôpital public, qui chronomètrent et comptabilisent, rabotant peu à peu le temps pour comprendre.
Fanny Laramade, sous le titre :« Du désespoir au sans espoir », témoigne de la confrontation à la question du Père et de l’idéal en institution, de la révolte comme point de butée, pas sans le travail de l’analysant dans la cure.
Gérard Darnaudguilhem, sous le titre:« Choisir l’institution, tresses et détresses », se prend au jeu des oppositions dans la langue et nous fait apercevoir les paradoxes des discours contemporains. Il rappelle la nécessité du semblant pour se protéger de la violence du réel, réel à distinguer du réel de la science. Enfin, il démasque le faux-semblant de l’inclusion, nous indiquant que le semblant est avant tout un semblant de lien.
Quelques mots encore :
Dépasser l’opposition, tenir compte de la nécessité de la contingence, changer de paradigme, telles sont les pistes proposées par J.-P. Rouillon lors de cette conversation. S’orienter à partir du symptôme, de la topologie et de la logique du pas-tout, autant de boussoles à mettre au travail dans les cartels à venir.
Pour finir :
Se coltiner « ce que la parole charrie », fait valoir J.-P. Rouillon, c’est à ça que sert le psychanalyste. Pour que le parlêtre trouve encore « quelqu’un à qui parler ».
Références
1 | Miller J.-A., « Comment se révolter ? », La Cause freudienne, n°75, 2010, p. 213. |
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