Si « toute formation humaine a pour essence, et non pour accident, de réfréner la jouissance »[1], à l’occasion d’un attentat sexuel, l’institution peut faillir à sa fonction. La mise en place de protocole où il s’agit de venir recueillir des faits plutôt que d’accueillir une parole en est une manifestation.
Dans le discours analytique de « saisir l’usage qu’un sujet fait de son fantasme en tant que défense, quand il a été confronté à l’illisible du désir de l’Autre »[2] permet de faire un pas de côté et d’éclairer comment pour un parlêtre, « la jouissance est toujours effraction »[3].
Myriam, une fillette de 6 ans, dit à son éducateur « mon père m’a violée ». Ce dire qui apparait comme un attentat sexuel et recueilli tel quel par l’institution, a pour conséquence de mettre un arrêt aux visites avec son père. En séance, elle dit que ce à quoi elle a affaire, c’est à la folie de ce dernier. « Mon père m’a violée » a été la façon qu’elle a trouvée de faire entendre le débordement qu’elle éprouve en sa présence. Elle me dira plus tard avoir prélevé cette phrase dans le discours de l’Autre. Je note qu’un certain apaisement apparaît le temps de l’enquête. En prenant à son compte ce dire dont elle ne mesurait pas les conséquences, elle a pu commencer à interroger en séance sa position subjective et cerner davantage à quel Autre elle a affaire.
Dans le cas de Josy, jeune femme exilée, l’attentat sexuel met en évidence le « choc du réel »[4]. Elle veut « tout oublier », surtout un détail du corps de l’autre, qui, quand elle ferme les yeux fait resurgir les scènes de viols. Ces détails la fixent dans une scène dont elle est objet. Avec Josy, il n’est pas question de recueillir les faits, ce qui reviendrait à renforcer sa demande d’oubli. Il s’agit plutôt de s’orienter de ce qu’elle dit afin d’entamer la jouissance mortifère. C’est en évoquant ses cauchemars qu’elle a pu commencer à subjectiver le traumatisme. Un avant l’exil a pu alors se dire. Elle repère que toute petite déjà, elle avait affaire à un Autre qui lui voulait du mal. De cerner, pour elle, cette jouissance lui permet de s’extraire de sa position d’objet. Elle se surprend alors à rire. Et même si Josy dit aujourd’hui qu’elle ne pourra pas oublier la rencontre avec cet insupportable, elle a goûté à la joie de dire. Ça fait toute la différence.
Ces deux vignettes cliniques nous enseignent combien, avec le discours analytique, grâce à la parole sous transfert, un sujet peut se décaler de l’approche institutionnelle de l’évènement traumatique et retrouver une certaine dignité dans l’existence.
Références
1 | Lacan J., « Allocution sur les psychoses de l’enfant », Autres Écrits, Seuil, Paris, 2001, p. 364. |
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2 | Bonnaud H., Dire l’indicible, Blog des J50, Attentat Sexuel : https://www.attentatsexuel.com/dire-lindicible/ |
3 | Ibid. |
4 | Ibid. |