QUAND L’INSTITUTION SE MÊLE DE SEXUALITÉ…

Un éducateur surprend deux résidents hommes dans une posture qu’il interprète spontanément comme sexualisée. L’affolement se généralise. Pas de malentendu, la scène à laquelle l’éducateur assiste est sans appel : l’un d’eux est victime, l’autre bourreau. Epinglés à cette nomination, le discours éducatif puis institutionnel se déchaîne et s’ordonne.

La scène aperçue par l’éducateur a fait effraction. Bousculé, marqué, jusqu’à « en rêver la nuit ! ». Pourtant, le processus est enclenché : deux protagonistes : le coupable et la victime relégués au rang d’« Évènement indésirable » qui impose d’établir un plan d’action et d’appliquer des mesures. Des recommandations : ce type de « débordements » ne doit pas se manifester sous cette forme. Le droit à la sexualité est évident et doit être contenu de manière orchestrée.

Si les législateurs, universitaires, autorités de contrôle se préoccupent activement de la sexualité des personnes handicapées, c’est bien à partir d’un traitement généralisé et standardisé. La mission à déployer est celle de conduire et d’apprendre aux personnes handicapées à « avoir et bénéficier d’une vie sexuelle satisfaisante et épanouie. » Ce droit à la vie sexuelle devient le fer de lance des défenseurs des droits.

Discours très contemporain qui assène le professionnel de répondre à une commande : celle d’organiser la vie sexuelle des personnes handicapées. « Développer une approche dans la santé sexuelle », « l’éducation sexuelle en pratique », « le droit à la sexualité » … Ce florilège de formations clés en main bouche cet impossible à dire qui se traduit par un impératif à répondre, à éduquer, édicter pour ériger les modalités de jouissance des personnes dites vulnérables. Il s’agit de dire comment faire !

Dans le dictionnaire Le Robert, le premier sens du mot « obscène » est : « qui offense ouvertement la pudeur, qui présente un caractère très choquant en exposant sans atténuation, avec cynisme, l’objet d’un interdit social notamment sexuel ».

Vouloir ordonner la vie sexuelle de l’autre ! « Mais où se situe vraiment ce qui fait attentat ? »[1] N’est-ce pas là le véritable attentat ?

Quand la parole est reléguée au rang de mesures à prendre, de directives à appliquer, pointe l’idée de l’obscène. Si est jugé obscène ce qui déshumanise et dégrade l’être humain, qu’en est-il de ce discours du maître qui s’impose et impose à l’autre son mode de jouir ?

Ces programmes d’éducation agissent sans voile, sans pudeur et sans complexe. Quand la technique vient subtiliser la possibilité de dire, quand, à la place d’une tentative de « bien dire ce qui de la rencontre sexuelle fait effraction » s’édictent des principes… quid du sujet ?

Pour l’être parlant, c’est la sexualité elle-même qui fait effraction. Le trauma est structurel, il est d’emblée constitutif de la condition du parlêtre. Aucune formation, ni directive ne peut répondre à la question de l’énigme du sexuel pour chacun.

Références

Références
1 Arguments des J50, PART. 1 par Laurent Dupont

Isabelle Caillault