ÉDITO DU N° 35 – LE SÉRIEUX DE LA PSYCHANALYSE

Une jeune femme rêve qu’elle passe une deuxième fois le bac, alors qu’elle sait, dans le rêve, qu’elle a déjà réussi ce passage. Alors pourquoi repasser le bac, s’interroge-t-elle en séance ? Elle associe, sur un ton enjoué : « Ce bac, c’est comme l’analyse ! C’est ce qui me transporte vers ces choses que je savais, mais que je ne savais pas que je savais ! ».

Dans sa conférence au IVème Congrès de l’AMP[1], J.-A. Miller soulignait l’inversion opérée par Lacan dans son dernier enseignement à propos du transfert. Ainsi, « si dans le premier enseignement de Lacan » dit-il « le sujet supposé savoir est le pivot du transfert (…) », le dernier Lacan dit autre chose : « Le transfert est pivot du sujet supposé savoir ». « Pour le dire autrement, Lacan dit plutôt que ce qui fait ex-sister l’inconscient comme savoir, c’est l’amour ». Un amour, précise-t-il, qui, « à partir du Séminaire Encore, connaît une promotion tout à fait spéciale »[2].

À une question de la réalisatrice Françoise Wolff portant sur le transfert,      Lacan répondait en 1972, année du Séminaire Encore, combien l’expérience qu’il en avait, était pour lui « à chaque fois une surprise nouvelle », « un sujet d’émerveillement » ajoutant comment cette manifestation n’était jamais « sans provoquer aussi un effet de terreur »[3].

Le transfert prend là une résonnance singulière, à distance de sa version d’ « artifice » dont Lacan dévoile dans cet entretien la motivation d’« abri, de protection » à ce poids de réel que Freud, « lui, ne manquait pas de regarder bien en face »[4].

N’est-ce pas dans cet évènement inouï du transfert qui fait signe d’un réel hors sens et sans loi, que nous pouvons saisir ce dire de Lacan dans le Séminaire Le moment de conclure, souligné par J.-R. Rabanel dans le Courrier du 27 avril[5] « la psychanalyse est à prendre au sérieux, bien que ce ne soit pas une science ? »[6].

Ce nouveau numéro du Courrier, Édition Spéciale : Le Rêve n°2, publie une intervention de Michèle Astier dont le titre Le rêve, ça parle, ça pense, ça montre, souligne la dimension d’un réel pulsionnel, une jouissance comme moteur du rêve, au-delà du symbolique.

Pas à pas, elle déplie, d’une façon à la fois fine et ramassée, la double dimension du rêve et ses variations au cours de l’enseignement de Lacan, jusqu’à l’ultime « point où le corps et lalangue sont noués » qui fait l’ancrage ex-sistentiel d’un parlêtre dans le dernier enseignement de Lacan.

Cette contribution rend compte d’une façon remarquable du sérieux des travaux attendu au séminaire d’étude. Elle nous invite à lire, relire Freud et Lacan, J.-A. Miller sur ce thème du Congrès de l’AMP pour saisir la jeunesse inentamée de la psychanalyse à frayer une respiration dans une civilisation à bout de souffle, marquée par les rides austères d’un obscurantisme à l’œuvre dans tous les champs de l’activité humaine.


Références

Références
1 Miller J.-A. « Une fantaisie », conférence au IVème Congrès de l’AMP à Comandatuba au Brésil, en août 2004. Mental n°15, février 2005, p. 9
2 Ibid., p. 27
3 Lacan J., Conférence à l’université catholique de Louvain, 13 octobre 1972, entretien avec F. Wolff inédit
4 Ibid.
5 http://data.over-blog-kiwi.com/0/56/03/47/20200507/ob_8f714e_acf-mc-courrier-edition-speciale-n-2.pdf. Entretien avec J.-R. Rabanel, p. 7
6 Lacan J., Le moment de conclure, Séminaire inédit, leçon du 15 novembre 1977

Valentine Dechambre

Déléguée régionale de l' ACF MC