Dans ce contexte épidémique où chacun craint pour ses proches et pour lui-même, où rien n’indique quand ni comment se fera la sortie, et encore moins quelles en seront les conséquences sur le lien social, quelle place pour la psychanalyse ?
« La psychanalyse enseigne les vertus de l’impuissance. Elle, au moins, respecte le réel »[1] écrivait J.-A. Miller en présentation du texte de Jacques Lacan « Je parle au mur ».
J.-A. Miller désigne ainsi la place de la psychanalyse comme cette « leçon de sagesse dans une époque, la nôtre, qui voit la bureaucratie, au bras de la science, rêver de changer l’homme dans ce qu’il a de plus profond ». Cette leçon de sagesse ne prend-elle pas une résonnance particulière dès lors que c’est la vie elle-même qui se trouve menacée ?
La solution sanitaire pour freiner la pandémie a donc été le confinement pour tous. Pour la psychanalyse, le confinement n’est pas sans évoquer ce huis clos du parlêtre avec sa jouissance, en-deçà de toute dialectique. À l’inertie de la jouissance, la psychanalyse répond par le mouvement via l’amour de transfert qui permet à la jouissance « de condescendre au désir ». C’est la castration, le désir qui en est issu, qui ne s’extrait qu’au prix d’une perte, qui permet d’effectuer ce mouvement civilisateur.
S’il est possible pendant cette période de maintenir un lien à l’analyste grâce au téléphone, quelle modalité de transfert pouvons-nous trouver pour maintenir le mouvement dans notre communauté de travail dès lors que les réunions ne sont plus possibles, que l’essaim bourdonnant de la conversation est interrompu ?
Cette modalité existe, elle est à la base de l’ACF, c’est la veine épistémique! Lisons, relisons l’enseignement de Freud et Lacan, l’élucidation si précieuse qu’en fait J.-A. Miller, attrapons dans ces textes ces S1 qui font prise et permettent de trouer l’opacité du moment en relançant le goût de l’étude.
C’est la proposition que fait le Courrier de l’ACF. Dans ce numéro, vous ne trouverez pas d’annonce, mais une série de textes brefs, incisifs, nouant un dire singulier à un concept fondamental de la psychanalyse. La clinique y est centrale, quand plus que jamais elle témoigne de son œuvre civilisatrice face au cynisme de la « statistique évacuatrice »[2].
Vous trouverez aussi dans cette édition spéciale l’entretien réalisé à l’ACF MC en octobre dernier avec la lumineuse Betsy Jolas, grande dame de la musique contemporaine, paru dans le dernier numéro de La cause du désir[3], avec l’aimable autorisation de son responsable, Fabian Fajnwaks. Les vibrations de l’art, comme antidote au confinement ! L’air qu’il nous faut !
Cette première série en ouvrira bientôt une autre, et peut-être une autre encore, selon le temps que nécessitera cette situation exceptionnelle.
Merci à toute l’équipe du Courrier, à sa responsable Christel Astier, pour la réalisation de cette édition spéciale. Bonne lecture et à très vite !