« Si la relation sexuelle existait… »

© Aurélie Boissinot

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Ce passage est extrait du Séminaire de Jacques Lacan, La logique du fantasme, à propos du chapitre XIV, « Sur la valeur de jouissance [1] ». Jacques-Alain Miller qui a établi le texte du Séminaire a intitulé ce passage, « Si la relation sexuelle existait… ».
Ce chapitre sera abordé lors de la soirée d’étude du 27 mai, animée par Jean-Robert Rabanel et présentée par Hervé Damase.

« Évidemment, la subjectivation du sexe, vous pouvez y rêver. Vous ne faites même que ça, puisque c’est ce qui fait le texte de vos rêves. Ce n’est pas de vos rêves qu’il s’agit, mais de ce que ça pourrait être, la subjectivation du sexe, si ça était. Si ça était, on pourrait donner un sens à ces signifiants, mais lesquels ? — vous allez voir comment on va être tout de suite embarrassé. Si je dis mâle ou femelle, tout de même, c’est bien animal, ça. Alors disons, je veux bien, masculin ou féminin. Mais, là-dessus, il s’avère tout de suite que Freud, le premier à s’être avancé dans la voie de l’inconscient, est absolument sans ambages, à savoir qu’il n’y a pas le moindre moyen — non pas de dire à quelle dose vous êtes masculin ou féminin, car il ne s’agit pas non plus de la biologie, de l’organe de Wolff et Müller — mais il est impossible de donner un sens, j’entends un sens analytique, aux termes masculin et féminin.

Si un signifiant est ce qui représente un sujet pour un autre signifiant, ce devrait être là le terrain élu. Voyez comme les choses seraient bien, seraient pures, si nous pouvions mettre quelque subjectivation, j’entends pure et valable, sous le terme mâle — nous saurions qu’un sujet se manifestant comme mâle sera représenté comme sujet auprès de quoi ? — d’un autre signifiant, désignant le terme femelle, signifiant dont il n’y aurait aucun besoin qu’il détermine le moindre sujet, la réciproque étant vraie.

Vous constatez qu’interroger le sexe quant à sa subjectivation possible, n’est faire preuve d’aucune exigence manifestement exorbitante d’intersubjectivité. Il se pourrait que ça tienne comme ça, sans qu’on ait affaire à un autre sujet. Ce serait même souhaitable. Il y a plus — si vous interrogiez ce que j’ai appelé tout à l’heure la conscience de classe, ici la classe de tous ceux qui croient que l’homme et la femme, ça existe, la réponse ne pourrait pas être autre chose que ça. Et ce serait très bien si c’était ça, le principe de ce qu’on appelle comiquement, la relation sexuelle.

Je dois dire que, là, le comique est irrésistible. Si je pouvais faire que, dans cette assemblée qui me devient familière, une assemblée où je peux faire entendre comme il convient, qu’il n’y a pas d’acte sexuel — ce qui veut dire que, à un certain niveau, il n’y a pas d’acte, et que c’est justement pourquoi nous avons à chercher comment il se constitue — si je pouvais faire que la locution relation sexuelle prenne dans chacune de vos têtes la connotation bouffonne qu’elle mérite, j’aurais gagné quelque chose. »

Références

Références
1 Lacan J., Le Séminaire, livre XIV, La logique du fantasme, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 2023, p. 280-281.

Jacques Lacan