Pour cette seconde soirée de l’atelier de lecture ayant pour thème « Vieillir en corps », Dominique Legrand a interrogé le signifiant, « vieillir », à partir de sa lecture du recueil, Vieillir – Études cliniques[1] qui sert de support à l’étude de cette année.
Citant Freud, il rappelle que « Dans l’inconscient rien ne finit, rien ne passe, rien n’est oublié[2]. » Ce caractère indestructible s’oppose à l’idée de vieillissement. Dit autrement par Françoise Haccoun : « le vieux n’existe pas dans l’inconscient[3] ».
Alors, que pourrait signifier « vieillir » du point de vue psychanalytique ?
Pour répondre à cette question, dans sa « Présentation du colloque – Vieillir[4] », Hervé Castanet privilégie une approche à partir du parlêtre, plutôt qu’à partir du sujet de l’inconscient. D. Legrand nous a rappelé que : « le parlêtre, c’est le sujet de l’inconscient, plus le corps libidinal. Il s’agit d’un nouage du sujet de l’inconscient et du corps, un corps qui est à la fois une image, un dire et un corps jouissant, articulation du biologique et du vivant ». L’infini de l’inconscient et le fini du corps se trouvent noués. S’il m’a paru simple d’associer le sujet de l’inconscient freudien et la pulsion freudienne qui prend sa source dans le corps, le nouage de l’un et de l’autre est un saut conceptuel éclairant pour moi. Me souvenant des soirées de lecture de l’année dernière qui avaient pour thème, « le corps contemporain », j’ai saisi l’écart entre une simple juxtaposition et ce nouage qui est un nouvel abord. Avoir un corps est ce qu’il y a de plus singulier pour un sujet, a souligné D. Legrand.
Psychologue en EHPAD[5], j’entends effectivement qu’au long d’une vie, il arrive à tout sujet de faire des rencontres qui heurtent son corps et sont susceptibles de bouleverser « le sentiment de la vie[6] » : date anniversaire, décès d’un proche, accident, maladie, autant de manières d’éprouver par le corps les effets du temps qui passe et sa propre finitude. Ainsi, une résidente récemment entrée en EHPAD, qui souffre depuis dix ans des séquelles d’un accident vasculaire cérébral, me dit : « Ce n’est pas une vie de mourir comme ça ». « La mort est du domaine de la foi. Vous avez bien raison de croire que vous allez mourir, bien sûr – ça vous soutient. », nous rappelle D. Legrand citant le dire de Lacan[7].
Serait-ce alors la raison pour laquelle il y a cette pente – renouvelée lors de cette deuxième soirée – à parler de la mort quand il est question de la vieillesse ? Mais vieillir, serait-il autre chose que vivre ?
Jérôme Moissinac
[1] Vieillir – Études cliniques, collectif sous la direction d’Hervé Castanet, Édition L’avenir dure longtemps, 2024. Transcription de l’intervention orale des intervenants au colloque qui s’est tenu le 3 décembre 2019.
[2] Freud S., L’interprétation des rêves, Paris, PUF, p. 491.
[3] Haccoun F., « Un consentement au vivant », Vieillir – Études cliniques, op. cit., p. 122.
[4] Castanet H., « Présentation du colloque – Vieillir », op. cit., p. 9-18.
[5] EHPAD : Établissement d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes.
[6] Lacan J., « D’une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose », Écrits, Paris, Seuil, p. 558. Cf. Hebdo-blog, n°362, 9 février 2025.
[7] Lacan J., « Conférence de Louvain », La Cause du désir, n°96, Navarin, 2018, p. 11.






