Antenne d’Aurillac – « L’Autre, c’est le corps »

Edvard Munch, Two Women on the Shore, 1898.

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Ce texte est un résumé de l’introduction au thème qui oriente les travaux de l’atelier de lecture de l’antenne d’Aurillac : « Le corps contemporain », présentée lors de la soirée du 18 octobre 2023.

Objet de toutes les attentions et de tous les fantasmes, l’image de soi a pris une telle importance qu’avoir un corps est devenu un problème pour le sujet. La découverte de Freud, à partir de l’étude des hystériques, fut de montrer que la parole affecte le corps. Le symptôme corporel étant le résultat de l’écriture d’un savoir et d’une jouissance associée à celui-ci, le corps fait symptôme. Il est le symptôme de la parole, véritable langage singulier du sujet, marque de la connexion du signifiant et du vivant. Le corps en psychanalyse ne s’aborde pas du côté du biologique.

Pour la psychanalyse, le sexuel est une impasse. Il n’y a pas de rapport sexuel du fait que le sexe ne s’aborde que par le langage.

Le stade du miroir, première approche du corps chez Lacan, détermine le passage d’un état morcelé – statut premier du corps – à une totalité imaginaire identifiée en tant que moi. Il montre l’insuffisance organique de la réalité naturelle chez l’homme à lui certifier son existence et révèle la jouissance intriquée dans l’assomption de « l’imago du corps propre[1]» du sujet dans un « c’est moi, plein d’émois ».

Pour jouir du vivant, il faut un corps, mais pas simplement l’image de celui-ci. Il faut aussi que ce corps soit décerné par le langage. Avoir un corps passe par la parole. Cette parole vient se loger dans un espace, nécessaire et préalable, un Autre comme lieu d’insertion d’un signifiant venant « cheviller » la vie au corps. Le vivant pour la psychanalyse est donc du côté du signifiant.

 L’Autre réel, comme corps topologique, est cause : il n’est « ni imaginaire, ni symbolique, mais vivant, voilà le corps qui est affecté de la jouissance[2]». Il aspire vers lui l’Un qui vient se loger dans cet espace et faire marque. Lacan, dans le Séminaire La logique du fantasme, énonce : « Quand cet Un fait irruption au champ de l’Autre, c’est-à-dire au niveau du corps, le corps tombe en morceaux. Le corps morcelé, voilà ce que notre expérience nous démontre exister aux origines subjectives.[3]» – morceaux de substance dont le sujet jouit à travers leur incarnation.

L’Un est le signifiant qui donne le « statut primitif du corps », nouveau modèle de l’individu qui s’origine du rapport du signifiant à la jouissance : « le signifiant représente la jouissance pour un autre signifiant[4]». Ainsi le parlêtre s’origine de la coupure de l’Un et de l’Autre comme corps.

Références

Références
1 Lacan J., « Le stade du miroir », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 95.
2 Miller J.-A., « Biologie lacanienne et évènement de corps », La Cause freudienne n°44, février 2000, p.17.
3 Lacan J., Le Séminaire, livre XIV, La logique du fantasme, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 2023, p. 329.
4 Miller J.-A., « Les paradigmes de la jouissance », La Cause freudienne, n°43, octobre 1999, p.18.

Dominique Legrand