Introduction au séminaire d’étude

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Animé par : Valentine Dechambre et Jean-Robert Rabanel.

La femme n’existe pas : thème du prochain Congrès de l’AMP qui aura lieu en 2022 à Paris.

Retranscription par Sylvie Poinas, responsable de la bibliothèque.

Jean-Robert Rabanel : Nous avons un séminaire qui commence aujourd’hui, préparatoire au Congrès de l’AMP. Un mot de rappel sur le Séminaire d’Étude. C’est un moment de transfert à l’École très important dans l’ACF, un transfert de travail à l’École. C’est un lien de transfert de travail dans l’étude, auquel souvent s’associent les cartels. C’est un lieu de travail. Prochainement, nous invitons Christiane Alberti, organisatrice du congrès de l’AMP qui donnera les orientations de travail sur le thème.

Pour ce soir, j’avais pensé que nous pourrions faire une discussion à bâtons rompus sur ce que chacun pense du thème, sur ce que ça lui évoque comme possibilité de travail, afin de présenter une intervention puisque ce séminaire est constitué d’interventions successives durant l’année avant le Congrès.

Pour ma part, j’aborderai cette questionLa femme n’existe pas – à partir du thème de la sexuation et du travail que l’on a fait pour la Journée de l’Enfant.

Et d’abord quelques références.

  • Marie Hélène Brousse, Mode de jouir au féminin, Navarin éditeur, incontournable.
  • Lacan quotidien N° 905 « La différence des sexes n’existe pas » par Miquel Bassols.
  • Lacan quotidien N° 912 « Le réel du sexe » par Antonio Di Ciaccia, très fin article, histoire d’auvergnats que cite Lacan dans le Séminaire XIX, une contribution formidable. Il s’agit d’une opérette qui s’appelle La perle du Cantal, qui a comme sous-titre « Ni homme, ni femme, tous auvergnats ». Vous chercherez sur internet La perle du Cantal, présentation magnifique d’une ville, Maurs, la petite Nice du Cantal. Ce qui nous permet de découvrir où Lacan a été prendre cette référence-là. (Intervention de Xavier Papaïs dans la soirée : « Le développement de Mr Di Ciaccia est très intéressant, il se réfère à un commandant de l’armée américaine au XVIIIème siècle qui avait dit de ses hommes : « Vous voyez comme c’est difficile de parler, ni homme, ni femme, tous auvergnats » pour qualifier leur courage.)
  • Quarto 122 Institutionféminité.
  • Lacan, « L’étourdit », Autres écrits, Seuil, 2001.

Ce sont des références du travail que nous faisons sur le sexe dans le cadre de la préparation des sixièmes Journées de l’Institut psychanalytique de l’Enfant, qui nous ont fait faire des avancées considérables.

Freud a découvert la psychanalyse en se faisant docile aux hystériques. Et malgré cela, il termine sur la question « Que veut une femme ? » comme si c’était le point de butée de son objet principal d’étude. Ce qui veut dire qu’au terme du traitement par le père, par la parole et la cure elle-même, au bout de ce parcours, il reste la question : « Qu’est-ce qu’elles veulent donc encore ? »

C’est aussi ce que reprend Lacan avec l’objet petit a comme reste, reste résistant au traitement par la parole et au langage donc comme résistant par rapport au signifiant articulé. Cela rapproche donc le féminin du corps et de l’objet petit a et aussi du signifiant Un, soit là où ce que l’on dit ne veut plus rien dire et où ça continue pourtant à jouir. Ça interroge le statut de l’opérateur, c’est-à-dire de l’interprétation.

Pour ma part donc, j’ai prolongé ce travail de la façon suivante : il y a d’abord la logique du signifiant, celle de l’Autre structuré comme un langage chez Lacan, qui fait passer le sens au rang d’une production. Le sens est le produit de l’action du signifiant. La logique du signifiant, elle-même amène à distinguer l’effet et le produit. L’effet du signifiant, c’est ce qu’on écrit S(barré), la dimension du sujet, le produit étant l’objet petit a ou l’effet sur le corps.

La logique du fantasme, cette fois, qui vient après la logique du signifiant, amène à considérer l’effet du signifiant sur le corps, et c’est cet effet produit sur le corps qui amène à considérer le produit qui est la jouissance. La logique du signifiant associée, si on peut dire, à la logique du fantasme donne l’écriture de la structure des discours. L’emboitement de ces deux logiques, du signifiant et du fantasme, conduit à la distinction des discours. Ces deux logiques se placent sous l’empire de l’Autre symbolique.

Dès lors que Lacan passe au-delà du fantasme, au-delà de l’Autre, c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’Autre de l’Autre et que l’Autre n’existe pas, alors il lui répond à cet Autre qui n’existe pas : La femme n’existe pas. Ceci se produit avec L’Étourdit [1] et le Séminaire XX, Encore [2], le tournant étant précisément entre le Séminaire XIX [3] et Télévision [4]par quoi se marque le début du dernier enseignement de Lacan.

L’Autre n’existe pas, les modales et la construction de l’écrit sont alors à la base de la construction du sexe chez Lacan, à distance du sexe grammatical, à distance du sexe anatomique comme destin sexuel. Le sexe en psychanalyse, en somme avec Lacan, est de l’ordre de la logique d’où le caractère des propositions logiques des formules de la sexuation, qui empruntent et qui s’appuient sur les travaux de G. Frege en particulier.

En somme il y a une espèce d’isomorphisme à l’inconscient structuré comme un langage, dans la quatrième de couverture des Écrits, Lacan écrit « l’inconscient relève du logique pur, autrement dit du signifiant. [5]» C’est ce qui est valable également du temps de l’inconscient structuré comme un langage, dans les défilés du signifiant au moment du Séminaire XI[6] où sexe, comme vérité, est livré dans la métaphore paternelle par identification au signifiant phallique, le phallus, qui est différent du pénis et du fait de l’avoir ou pas. Les dernières avancées, à partir de cette logique des modales va conduire Lacan à donner une définition du sexe strictement comme un dire. Il y a un alignement si on peut dire des formules de Lacan, les pulsions sont un dire, le sexe est un dire etc… Le dire en question, c’est « Il n’y a pas de rapport sexuel ». C’est dans les années 70, que le sexe chez Lacan n’est plus abordé par la voie anatomique comme c’était le cas chez Freud, ni par la voie de l’identification signifiante comme le faisait Lacan en 1958, mais par la voie logique stricte avec la considération de la fonction phallique comme fonction propositionnelle comme Frege.

Avec ces formules de la sexuation, Lacan va considérer le mode du sujet à se ranger comme variable dans la fonction phallique. S’il n’y a qu’une fonction de jouissance dans le langage pour les deux sexes, il y a deux façons de s’y rapporter qui correspondent à deux modes de jouir du phallus. Cette présentation de la différence des sexes en 1970 fait valoir le réel de la différence des sexes plutôt que la signification de la différence des sexes.

Donc la sexualité féminine pour Lacan est avancée au sommet de sa recherche sur la sexualité et le scandale qu’ont fait un certain nombre de féministes des positions freudiennes, n’était pas vraiment justifié, même pas du tout. Avec la sexualité féminine, chez Freud s’origine tout autre chose : une pensée de la différence pure et non pas une différence qui revient au même, ce n’est pas au niveau de l’égalité, comme le voudraient peut-être encore mais ce n’est pas trop sûr, les féministes.

Lacan va donc à partir du Séminaire XX jusqu’à soutenir l’identité féminine par l’altérité féminine. La femme comme Autre, y compris à elle-même, sous cette forme de l’Autre barré : S (A barré)

C’est à partir de ces considérations que je pense aborder pour mon compte le travail de ce séminaire. Et maintenant je suis impatient de laisser la parole à qui voudra bien la demander.

Discussion

Xavier Papaïs : Je souhaitais poser une question sur un point que je n’ai pas saisi, qui me paraît central, quoiqu’un peu obscur, c’est la question de la modalité. Jean-Robert Rabanel a parlé des modales, donc de la question du possible, impossible, etc. Ce qui m’a échappé, c’est la question de la différence sexuelle et l’altérité, y compris à soi-même et la modalité.

Jean-Robert Rabanel : C’est un passage à argumenter et à développer. La question du modal, c’est pour arriver à la définition d’un véritable impossible, il me semble. Et c’est l’impossible à écrire qui est à la base de ce véritable impossible. En somme, et c’est à partir d’une critique des modales chez Aristote que Lacan dans L’étourdit[7] se fonde là-dessus. Cela demanderait un développement plus approfondi. Vous avez mis le doigt sur un point tout à fait capital.

Denis Rebière : Vous avez cité le numéro de Quarto[8] avec un article d’Alexandre Stevens sur l’institution à partir de la logique féminine…Je ne sais pas comment je vais aborder ce texte qui reprend les formules de la sexuation dans un abord par l’institution, à partir de la logique féminine. Je tenterai de le reprendre pas à pas.

Maria Lucia Martin : Je suis en train de travailler la question de la différence entre la jouissance féminine telle qu’elle apparait dans le Séminaire XX[9] et le mode de jouir au féminin. Pour moi, ce n’est pas la même chose. C’est une référence au dernier livre de Marie Hélène Brousse[10], que je suis en train de décortiquer, je suis son enseignement de l’École qui est magnifique et celui sur la sexuation des enfants qui l’est aussi, pour moi c’est un bouleversement complet.

Jean-Robert Rabanel : Vous voyez, on a le même point de départ. Ce sont quand même des signifiants qui indiquent la réflexion et le travail dans l’École tout de suite, donc que l’on soit traversé par ces signifiants-là, c’est la moindre des choses, qu’on s’y prête pour l’étude, c’est encore mieux, c’est ça le transfert de travail.

Maria Lucia Martin : Oui. Ma préoccupation, c’est comment M.-H. Brousse travaille ça. Elle l’aborde par la physique quantique. Mon idée, c’est qu’on peut dire quelque chose de la jouissance féminine mais sur le « comment dire », pas seulement écrire. Je cherche dans cette direction.

Jean-Robert Rabanel : Il y a des balises dans son travail qui permettent qu’on ne se perde pas complètement.

Claudine Valette-Damase : Je propose de travailler sur le Séminaire XX[11] et de revenir sur les tableaux de la sexuation comme départ du travail. J’ai lu ce livre de M.-H. Brousse, j’ai suivi la rencontre autour de son livre et je vais repartir de là. Le Séminaire XX[12], à chaque fois que je le relis, ce n’est pas pareil.

Jean-Robert Rabanel : Quelque chose qui me parait important à souligner, ces formules-là sont des formules logiques, elles ne valent pas pour le sens immédiat qu’on peut leur donner. C’est au fur et à mesure d’une construction logique qu’on trouve à les situer. Il m’était revenu ce souvenir, à Rome en 1974, après la conférence de Lacan, le Corriere della Sera titrait « d’après le docteur Lacan, la donna n’existerait pas. » C’était le scandale absolu. Il conviendrait de nous interroger sur la question de l’existence et c’est là que les quanteurs logiques de Frege et en particulier l’existence ou pas doivent être parcourus, travaillés pour arriver à cette formulation logique.

Hervé Damase : C’est un thème formidable La femme n’existe pas et c’est assez osé dans le contexte actuel du mouvement me too et de tout ce qui se passe à partir de ça dans le discours courant. Lacan a inventé cette formule à une époque où le mouvement féministe était en pleine effervescence et ça a été sujet, je crois, à une interprétation qui a fait beaucoup de remous à cette époque et aujourd’hui, 40 ans plus tard, on a de nouveau affaire à un mouvement de cet ordre-là. Remettre en avant cette formule énigmatique de Lacan, La femme n’existe pas, c’est vraiment remettre au travail cette question. C’est le Congrès de l’AMP. L’AMP, c’est l’École Une, au niveau mondial. Nous venons d’apprendre le thème des prochaines journées de l’École : La norme mâle. Ce thème n’est pas sans lien avec celui du Congrès de l’AMP. La femme n’existe pas, eu égard à la norme mâle, c’est-à-dire, dans l’inconscient, il n’y a pas le signifiant de la femme. Pour autant, ce que vous amenez avec la jouissance féminine, ça donne toute sa place à l’existence de la jouissance féminine comme jouissance autre. Je crois que c’est vraiment en plein dans le dernier enseignement et c’est vraiment cette question qui nous travaille. Pour la Journée de l’Institut de l’Enfant, le thème « La sexuation des enfants » nous a donné beaucoup de fil à retordre. Pour cette Journée, on essaie d’extraire quelque chose de ça et ça n’est pas sans lien avec le thème du Congrès donc il y a comme une continuité, un fil qui se déploie, se déroule sur la durée. Je ne sais pas si j’ai une idée d’une intervention, peut-être après la Journée de l’Enfant[13].

Jean-Robert Rabanel : Je voulais indiquer comment ce thème interroge sur la question de l’existence aussi, pas seulement sur l’existence logique. Les conditions d’existence, les deux modes d’existence par rapport à la jouissance qui elle, n’est pas tout à fait sur le registre de l’existence peut être, et peut-être plus du vivant.

Valentine Dechambre : C’est une distinction que je n’avais pas encore entendue, une distinction très fine, qui demande à être travaillée.

Jean-Robert Rabanel : Si on prend ça au niveau du sens, qu’il n’y a pas de rapport sexuel, ça fait rigoler. Il pensait à quoi Lacan quand il disait ça ? Alors que si c’est une construction logique, vous êtes sur les quanteurs d’inexistence ou d’existence, ça se situe dans une lignée.

Valentine Dechambre : Ça devient rigoureux.

Jean-Robert Rabanel : Absolument rigoureux, enfin c’est une question qui me vient à la suite de ce j’ai entendu dans les échanges. C’est que ça pose la question, le côté prophétique de Lacan, ce n’est pas de l’ordre de la prophétie inspirée, c’est de l’ordre de la rigueur construite. C’est parce qu’il a décollé ces questions de la conception banale, même à l’époque, de l’existentialisme. Il a décollé ça de l’imaginaire pour en faire une structure qui lui a permis, lui, d’aller au-delà de ça et de présenter une définition de la féminité autrement plus complexe que ce qu’on avait vu jusqu’à présent. Il me semble que c’est comme cela que l’on peut articuler les formules logiques de l’enseignement de Lacan et le résultat qui parait prophétique, après, dans la réalité du monde.

Valentine Dechambre : Il y a pour travailler la référence à l’existence, la distinction avec le vivant, le tout dernier cours de J.-A. Miller, de 2011 « L’être et l’Un ».

Jean-Robert Rabanel: La femme n’existe pas, y aurait-il des échos à ça dans Duras ? Michèle Astier ? Jean-Pierre Rouillon ?

Michèle Astier : Je veux bien dire un mot, ce n’est pas spécialement sur Duras, même si je viens de relire récemment Le ravissement de Lol V. Stein[14]. C’est plutôt sur cette question du lien à l’École. Je suis frappée d’une chose, de voir La femme n’existe pas comme titre a sonné comme un signifiant tout seul, à déplier comme quelque chose à partir de quoi il fallait repartir pour relire le reste. Effectivement, cela va bien avec ce que j’ai entendu jusque-là, non plus à partir de la référence phallique mais par l’autre versant.

Jean-Pierre Rouillon : Duras, c’est un peu loin maintenant, enfin ça me semble un peu une époque. Non moi, la chose à laquelle je pensais c’était plutôt comment on passe de la femme n’existe pas, de la jouissance féminine au corps parlant ? Il me semble que là, il y a là un trajet de Lacan.

Jean-Robert Rabanel : Qu’il faut reprendre, c’est une bonne idée d’intervention.

Jean-Pierre Rouillon : Oui, oui parce que c’est une proposition… Il me semble que le dernier cours de J.-A. Miller sur cette question de l’existence reste encore une mine. On l’a déjà mis au travail mais à partir de ce thème, ça nous invite à le relire. Je m’y mettrai en tout cas.

Jean-Robert Rabanel : Est-ce que Pierre Bosson saurait retrouver la référence avec le fameux titre « La donna non esiste », en italien, qui a fait scandale ?

Pierre Bosson : Je l’ai entendue dans une intervention d’Omaïra Meseguer[15].

Sylvie Poinas : On est en train de démarrer un cartel autour de l’ouvrage de M.-H. Brousse. Comme je suis en train de relire les « Six paradigmes de la jouissance[16]» de J.-A. Miller et comme je ne comprends pas bien ce qu’est une construction logique, je pense que là, il y en a une. J’aimerais peut-être préparer quelque chose autour de ça.

Valentine Dechambre : Est-ce que Giusseppe Falchi pourrait nous aider à retrouver cette référence « La donna non esiste » évoqué par J.-R. Rabanel[17] ?

Giusseppe Falchi : Mais je n’ai pas demandé la parole…

Jean-Robert Rabanel : Vous l’avez, c’est formidable, sans la demander !

Valentine Dechambre : Vous n’aviez pas d’idée sur la Donna ?

Giusseppe Falchi : Si certainement. J’ai fait une recherche sur internet à partir de « Corriere della Sera 74 », ça va être maigre, mais c’est un vieil article. Ça pourrait peut-être apporter quelque chose…

Jean-Robert Rabanel : La date, on peut l’avoir… c’était le lendemain de la conférence de Lacan en Italie, de la Troisième[18]. Je me rappelle, il neigeait comme tout, c’était fin novembre. On peut avoir la date précise.

Valentine Dechambre : Vous allez nous retrouver ça ?

Giusseppe Falchi : Oui mais ce qui est intéressant, c’est le commentaire que nous pourrons en faire.

Jean-Robert Rabanel : Merci Giuseppe.

Valentine Dechambre : Xavier Papaïs évoque une référence chez Stendhal. S’agit-il d’un roman de Stendhal ?

Xavier Papaïs : C’est le thème de Stendhal, la femme est introuvable, elle n’existe pas chez Stendhal, d’où quelques milliers de pages de littérature sur l’amour. Il avait parfaitement compris que la femme n’existait pas, il me semble, en tout cas c’est comme ça que je le comprends. Si d’ailleurs il a écrit le meilleur bouquin sur l’amour[19], c’est à cause de ça me semble-t-il.

Jean-Robert Rabanel : Voilà une intervention toute trouvée, Stendhal et le thème de La femme qui n’existe pas.

Xavier Papaïs : Avec grand plaisir, la question de l’amour.

Jean-Robert Rabanel : La femme n’existe pas ce n’est pas tout à fait la même chose que l’amour. C’est comme si ça allait de soi, que la femme et l’amour étaient liés et ce n’est absolument pas ça. Si la femme c’est Médée, la femme ce n’est pas l’amour !

Xavier Papaïs : Le passage le plus célèbre dans le traité de l’amour, si souvent cité mais jamais lu, c’est le passage sur la cristallisation, la cristallisation amoureuse. Tout le monde le dit. Comment ça prend ? Qu’est-ce qu’il dit ? Il prend un exemple, il prend l’exemple des mines de sel de Salzbourg[20] puisque Salzbourg, ça veut dire la ville du sel, du sel gemme.

Valentine Dechambre : Salzbourg en Autriche ? Mozart !

Xavier Papaïs : Oui, il y avait des mines de sel et Stendhal a visité les mines en compagnie d’une jolie dame et d’un jeune officier qui draguait la jolie dame et qu’est-ce qu’on leur montre ? On leur montre, des pétrifications, en particulier le travail des sels minéraux qui produisent toutes sortes de merveilles comme des arbres de Noël avec des sels minéraux, des cristaux de sel. La cristallisation amoureuse chez Stendhal, c’est la formation d’un cristal de sel, c’est pareil, c’est comme aller dans une grotte du centre de la France. Il s’agit essentiellement de concrétions. La concrétion c’est une chose et la femme c’est autre chose ; le problème de Stendhal, c’est que la femme et la concrétion ne coïncident jamais.

Valentine Dechambre : Pas de rapport.

Xavier Papaïs : Non, il n’y a pas de rapport ontologique ou autre entre la femme et la concrétion, d’où l’œuvre de Stendhal sur la mélancolie amoureuse ou la mélancolie érotique, un vieux truc connu depuis l’antiquité mais qu’il a réactivé génialement comme personne. Je vous envoie ces quelques pages merveilleuses sur la cristallisation.

Valentine Dechambre : Volontiers.

Jean-Robert Rabanel : Formidable.

Valentine Dechambre : Je vous invite à préparer des interventions brèves, à serrer un point, une question.

Références

Références
1 Lacan J., « L’étourdit », Autres écrits, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 2001.
2 Lacan J., Le Séminaire, livre XX, Encore, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1975.
3 Lacan J., Le Séminaire, livre XIX, …ou pire, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 2011.
4 Lacan J., « Télévision », Autres écrits, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 2001.
5 Lacan J., Écrits, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1966.
6 Lacan J., Le Séminaire, livre XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1973.
7 Lacan J., « L’étourdit », op. cit.
8 Stevens A., « L’institution à partir de la logique féminine », in Quarto n° 122, Institutionféminité, 2019, p. 153-158.
9 Lacan J., Le Séminaire, livre XX, Encore, op. cit.
10 Brousse M.-H., Mode de jouir au féminin, Navarin Éditeur, 2020.
11 Lacan J., Le Séminaire, livre XX, Encore, op. cit.
12 Ibid.
13 La 6ème Journée d’étude de l’Institut psychanalytique de l’Enfant (JIE), La sexuation des enfants a eu lieu le 13 mars 2021 en visioconférence. https://institut-enfant.fr/
14 Duras M., Le ravissement de Lol V. Stein, Gallimard, 1964.
15 Meseguer O., « La femme n’existe pas : un scandale lacanien – La donna non esiste », Quarto n° 122, Institutionféminité, 2019, p. 70-73.
16 Miller J.-A., « Les six paradigmes de la jouissance », La Cause freudienne n° 43, Paris, 1999, p. 4 à 21.
17 Di Ciaccia A., « Le réel du sexe », Lacan quotidien N° 912.
18 Lacan J., « La Troisième », La Cause freudienne n° 79, 2011, p. 11 à 33.
19 Stendhal, De l’amour, 1822.
20 Stendhal, Le rameau de Salzbourg.

Jean-Robert Rabanel

Psychanalyste, membre de l'ECF et de l'AMP