Vers la 7e Journée de l’Institut de l’Enfant – « Truffaut ou l’enfant terrible et merveilleux du cinéma »

F. Truffaut, extrait du film Les mistons, 1957.

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« Les mouvements d’un cœur virginal relève d’une logique propre à l’enfance. N’ayant pas l’âge d’aimer Bernadette, nous décidâmes de la haïr et de tourmenter ses amours » : C’est ainsi que débute le court-métrage Les mistons, premier film de François Truffaut.

S’il est un cinéaste qui a parlé de l’enfance avec justesse et tact, sans idéalisation ni angélisme, c’est bien lui.

Dans un article intitulé « Enfant placé, prendre place », du Zappeur n°18, Christelle Sandras reprend l’orientation de Lacan enjoignant les analystes à empêcher l’enfant de se dire « je suis un enfant », c’est-à-dire de ne pas l’assigner à cette position, qui ferait consister le mythe de l’adulte et participer à la répression psychologisante, et l’escroquerie sociale qui en résulterait. Force est de constater combien cette escroquerie fait florès aujourd’hui.

Face à cette indignité, l’art et les artistes nous sont d’un grand recours.

Le traitement que fait Truffaut de l’enfance est marqué du sceau de la dignité. Il est très proche en cela de l’éthique lacanienne citée plus haut.

Les 400 coups, son film majeur, aussi essentiel que Le Kid de Chaplin, est une démythification des adultes pris dans les rets de leurs embrouilles avec le désir, l’amour et la jouissance.

Antoine Doinel, personnage central de ce film, est un enfant peu investi par sa mère qui ne s’adresse à lui que par reproches et injonctions, et dont le beau-père est plutôt lâche.

Pour autant le film ne verse jamais dans le pathétique, et nous suivons avec parfois de vrais moments de joie les péripéties de ce jeune sujet, qui ne se laisse pas anéantir par les vicissitudes de l’existence, même lorsqu’il se retrouve aux prises avec l’Autre judiciaire et les institutions qui l’incarnaient à l’époque.

On le voit souvent courir avec son copain, dans les rues de Paris, ou seul sur une route de campagne après s’être échappé d’un centre de redressement. Truffaut filme ces corps qui courent, qui détalent avec une énergie formidable. Ce sont des corps habités par le désir.

Antoine ne se laisse écraser par aucune assignation, poursuivant sa route, et c’est ainsi que nous le retrouvons dans L’amour à 20 ans, moyen-métrage dans lequel on assiste à l’inscription d’Antoine dans le social. Il a maintenant dix-sept ans, vit seul et travaille dans une entreprise de renom où il fabrique des disques. Il mène l’existence à laquelle il aspirait quelques années plus tôt : gagner sa vie et ne plus dépendre de personne. Il s’est fait une place.

Il va alors connaître les premiers tourments de l’amour, s’y risquer et comme l’a chanté Brassens « avalai sa première arête ».

La voix off qu’on entend au début du film Les mistons, mettait en exergue la question de l’amour. Elle traversera toute l’œuvre de ce cinéaste « hors-père ».

J’ai toujours été frappée par le regard de François Truffaut : un regard d’enfant toujours fiévreux, inquiet mais aussi d’une grande douceur. C’était un homme terriblement doux. Il a apporté sur l’enfance un souffle d’une incroyable modernité. Revoir le film Les 400 coups, voilà une manière de bien commencer l’année 2023 !

Olivia Audebert